mercredi 10 juin 2009

Le sous-titrage en France

Boosté par la note des Piles, qui en parle aujourd'hui même dans son blog (lisez sa note avant la mienne), j'ai pris un quart d'heure que je n'avais pas et j'ai répondu au courriel de deux étudiantes (copié en rouge tout en bas de ce billet). Je vous livre ce courriel.

Note : je n'ai pas encore lu la nouvelle note des Piles, mais ça a l'air très bien expliqué. À voir.

Bonjour mesdemoiselles.

Merci pour votre réponse. Vous ne m'importunez pas du tout. C'est simplement que d'habitude, on dit comment on a eu les coordonnées de quelqu'un à qui on écrit pour la première fois. Me voilà renseigné.
Je passe sur l'ironie charmante de votre commentaire (concernant ma patience), qui montre simplement que vous n'aviez pas compris mon message. Il n'était pas un au revoir mais une simple demande d'information.

Si l'adaptation audiovisuelle est effectivement votre futur métier, préparez-vous à galérer. Du travail très mal payé, et probablement de plus en plus mal payé, ça vous dit ? C'est pourtant ce qui se passe depuis environ 15 ans, surtout en sous-titrage.
C'est en partie dû au fait que les chaînes de télévision forcent les boîtes de postproduction (nos clients) à se faire la guerre des devis. Le marché va à celui qui proposera le devis le moins cher. Et quel est le budget qu'on peut squeezer ? Celui de l'adaptation, puisque les traducteurs sont des auteurs, donc pas salariés, et donc pas protégés par une convention collective.
C'est aussi dû au fait que les universités, sans prendre la peine de faire la moindre étude de marché, créent de nouveaux DESS (Master 2). Ainsi, chaque année une soixantaine de bac+5 viennent engorger encore plus le marché. Comme ils ont très envie de travailler (et c'est bien normal), ils acceptent de le faire à des tarifs bas, souvent sans même se rendre compte qu'ils sont bas. Puis ils ouvrent parfois un peu les yeux, s'inscrivent à l'Ataa et/ou au Snac (et donc se renseignent enfin sur leur propre métier), et l'année d'après ce sont eux qui déplorent le comportement des "petits jeunes" qui cassent le marché en acceptant de travailler à des tarifs encore plus honteux. Mais il est trop tard. À cause d'eux pratiquement tous les traducteurs doivent revoir leurs tarifs à la baisse. Et ainsi de suite chaque année.

Voilà la situation d'un métier qui sinon serait effectivement à conseiller, pour qui aime la traduction de dialogues. Je suis désolé mais je n'ai rien exagéré. Pour toute info, voir le site de l'Ataa, qui comporte un ou deux textes utiles à ce sujet.

Si j'avais un autre commentaire à faire, ce serait qu'en LEA on n'approfondit pas assez l'étude de la langue pour pouvoir être ensuite une traductrice compétente. Mais peut-être que ma formation de LCE me rend partial. Je passe à vos questions.

1- L'insertion professionelle a été-t-elle difficile? Comment s'est passé votre insertion professionelle? Est ce que vous pensez qu'un réseau est indispensable?

Non, pas difficile à l'époque. Et pas trop mal, donc (c'est la même question, non ?). Et oui, indispensable ou presque. On n'est hélas pas « embauché » parce qu'on est compétent, mais plutôt sur recommandation de quelqu'un d'autre. Bien sûr, faire du bon travail peut aider.

2-Est ce que vous faites un autre métier que sous-titreur? Si oui, lequel? Est ce que c'est une chose qui se fait généralement?

Cela se fait parfois, oui. Pour les raisons évoquées plus haut.

3- En général, quels sont les délais octroyés pour la réalisation d'une traduction ou traduction-sous-titre? Quel est le support audiovisuel sur lequel vous travaillez le plus (documentaire, films, série, publicité, etc...)?

Les délais dépendent entre autres de la longueur du programme proposé. Pour un épisode de 22 minutes, je dirais que 3 jours peuvent suffire.

4- En général, qui sont vos employeurs (agence de traduction, des personnes indépendantes, etc...)? Démarchez vous vous-même les employeurs?

Oui, il faut démarcher soi-même ou bien se faire recommander. Les clients sont des entreprises de postproduction. En sous-titrage on les appelle les labos.

5- Est ce que votre approche dans la traduction est la même à chaque fois? Différe-t-elle selon les différents supports? Considérez vous qu'un projet rendu est un projet clos?
Vous détachez-vous vous du support à traduire s'il ne vous plait pas? Y-a-t-il une différence dans la qualité de la traduction rendue? Comment cela se passe-t-il lorsque le support ne vous captive pas?

Évidemment, que je traduis différemment selon le support. Vous vous voyez donner à un dialogue de western le même ton que celui que vous donneriez à un soap ?
Je considère qu'une traduction n'est jamais terminée, dans le sens où elle peut toujours être améliorée. Mais ce n'est qu'une considération théorique puisqu'une fois qu'elle est rendue au client, il devient inutile de la modifier.

6- Est ce que vous vous sentez menacer face aux traducteurs-sous-titreurs amateurs (fansub) qui pullulent sur internet?

Non, surtout quand ils ont la même maîtrise du français que vous (et c'est fréquent). Si je me sens « menacer », franchement... Et je suppose que, écrivant à un professionnel, vous vous êtes appliquées.
Cela dit, le fansubbing est à mépriser car il implique le piratage de vidéos, donc le vol. Pour moi il ne s'agit pas de Robins des Bois (l'internaute moyen n'est pas un « pauvre ») mais bien de minables voleurs. Ils causent un peu de tort aux majors, mais beaucoup aux auteurs. Car les miettes de pain que ceux-ci touchent (pour chaque vente de DVD) leur permettent parfois de vivre. S'il y a moins de vente de DVD , (car tous piratés), il y a moins de droits d'auteur. Merci les fansubbeurs !
Donc menacé, pas dans mon travail (ils ne sont vraiment pas à la hauteur), mais dans la perte de revenus causée par le piratage en général, oui.

7- Toutes vos observations, remarques, conseils sont les bienvenues pour nous aider dans notre projet.

Mes conseils, donc : soignez votre français (c'est « les bienvenus », pas « les bienvenues »), car cela vous servira quoi que vous fassiez ensuite. Et ne faites pas ce métier, qui à l'heure actuelle semble moribond.

Cordialement
(Tonton)

"Monsieur (Tonton),
Comme nous vous l'avons dit dans notre dernier mail, nous sommes seulement deux étudiantes en recherche de renseignements pour un projet universitaire. Nous ne voulions pas vous importuner, mais seulement parler de notre futur métier.
Nous avons trouvé vos coordonnés sur le site internet de l'ATAA, accessible à tous. Elles figuraient sur une liste de professionnels de l'audiovisuel. (Noms, Spécialitées, adresses mail).
Voici le lien de la page en question: (bla bla)

Merci beaucoup pour vos renseignements, votre patience et votre amabilité.
Nous vous souhaitons une très bonne continuation à vous aussi.
L et J"

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7 commentaires:

  1. Monsieur (Tonton), vous vous êtes grillé !
    Vous avez laissé votre signature dans la copie du courrier envoyé à ces demoiselles ! Hihihihi !

    Je viens moi aussi de me fendre d'un courrier à une jeune fille qui me posait quelques questions sur ma formation et terminait par "Est-ce difficile de trouver un emploi aprés le master ? je n'aimerai pas travailler toute ma vie en free-lance et je cherche un métier stable." (je précise que les fautes d'orthographe ne sont pas de moi)

    Pffff....

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  2. Ben au moins, tu peux la renseigner en une phrase : les traducteurs audiovisuels ne sont jamais salariés, toujours en free lance.

    Merci de m'avoir signalé l'auto-grillade ! C'est rectifié.

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  3. Eh, un peu d'indulgence, ce ne sont peut-être que des fautes de frappe: je fais beaucoup plus de fautes avec un clavier!

    Les pauvres demoiselles sont accueillies fraichement! Le problème, c'est qu'il n'y a pas que ce secteur en crise: quand je me demande ce que vont trouver comme boulot mes chers petits (que tu ne supporterais pas vu les fautes réelles...mis ils sont moins formés à la langue), ça m'angoisse.

    Peut-être ces jeunes femmes peuvent essayer de suivre un pro, comme un stage, pour voir et tester leur motivation? avant de se lancer dans le DESS?


    Ah, la patience de Tonton! puisqu'on parle de français, c'est bien un oxymore, non?

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  4. Non, pas d'indulgence pour quelqu'un qui a un bac + 2 LITTERAIRE, et qui est en train d'écrire à quelqu'un dont elle veut obtenir des infos. Soit elle ne s'est pas appliquée, soit elle ne maîtrise pas le français. Car il y en avait d'autres, des fautes.

    La situation n'a donc rien à voir avec celle des tes élèves. Mais je salue la performance : pour un prof, tu auras tenu vachement longtemps avant de parler de tes piou-pious. :)

    Le tutorat, on en parle. Peu d'auteurs sont chauds pour avoir un étudiant sur le dos. Surtout si c'est pour qu'il gâche le métier après.

    Et oui, je manque de patience.

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  5. Ah tiens, je leur ai répondu aussi, à celles-là... ;-D

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  6. Cher Tonton,

    A mon tour de te faire partager une chanson qui, va savoir pourquoi, me fait penser à toi.
    http://www.deezer.com/#music/result/all/gainsbourg%20en%20relisant%20ta%20lettre

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Mto La Grand Combe