Il y a 1 jour
mercredi 13 janvier 2010
Le mot du jour : farinet
On m'a récemment fait un beau cadeau : un vieux dictionnaire, d'un certain Contanseau. C'est un bilingue anglais-français qui date de 1877. Vous vous rendez compte ? Je kiffe comme un gros kiffeur.
Ce que j'aime, dans les vieux dicos, c'est qu'on y trouve des mots qui ne sont pas dans les dictionnaires actuels. Démonstration.
Sitôt rentré à la maison, j'ai ouvert mon nouveau trésor au hasard. J'ai trouvé « farinet ». Véridique mais bizarre, comme hasard. Car les mots sont notre farine, la seule que nous ayons.
Qu'est-ce que c'est, un farinet ? Ce mot ne figure ni dans le petit Robert 2007 ni dans mon gros bilingue Harrap's Unabridged en deux volumes.
Voici la définition donnée par Contanseau : « one faced die ».
… Un dé à une face ? Ça existe ? Je pensais que c'était une impossibilité, à moins de bafouer toutes les règles géométriques de l'espace-temps dans lequel nous vivons. Et là ce serait la merde, car Cthulhu reviendrait. Et mon coup de pied chassé est loin d'être au point.
Mais je m'égare. Je trouve le farinet mentionné dans un Larousse d'étymologie : « 1701, Furetière, dé à jouer » Le mot Furetière n'est pas dans le Robert, mais au moins ça confirme que le farinet est une sorte de dé.
Bon, OK : je cherche sur internet.
« Sans doute de farine, à cause que ce dé était blanc sur toutes ses faces excepté une. » (http://fr.wiktionary.org/wiki/farinet)
Vous noterez la faute, sûrement pas présente dans l'extrait de Littré que Wiki revendique comme source. Ou alors ce n'était pas une faute à l'époque.
Nous avons notre explication ! Le farinet a bien six faces, mais toutes sont blanches sauf une. Étonnant, non ? A quoi peut bien servir un tel dé, et quel est le chiffre figurant sur la face que nos esprit avides visualisent désormais ?
Je ne sais pas vous, mais moi j'en peux plus de ce suspens. Je replonge dans la toile. Que se passera-t-il si j'ajoute « Furetière » à ma recherche ?
http://www.archive.org/stream/dictionnaireuniv04fure/dictionnaireuniv04fure_djvu.txt
« FARINET. Efpèce de dé à jouer qui n'a qu'une de fes faces marquée de points. Jouer aux farinets : on en prend ordinairement fix. »
On n'est guère plus avancés. Et j'apprends au passage que Furetière est en fait le nom d'un lexicographe (http://fr.wikipedia.org/wiki/Antoine_Fureti%C3%A8re), pas un synonyme de farinet.
Ah là là, c'est coton ! Je ne me démonte pas, je change d'angle.
Ici, une autre confirmation : « farinet dé à jouer marqué sur une seule face »
http://www.forum-poetique.net/lou-vieux-francoys-f164/lexique-de-vieux-francais-de-a-a-j-t3252.htm :
Idem ici :
http://books.google.fr/books?id=atcSAAAAYAAJ&pg=PA309&lpg=PA309&dq=farinet+d%C3%A9+face&source=bl&ots=JhfJH9YsKh&sig=3NGPMJU1fSvuwZd_TuIJHg16wss&hl=fr&ei=DvBNS5ekNNOx4QaW6b3xDw&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=10&ved=0CCkQ6AEwCTgK#v=onepage&q=farinet%20d%C3%A9%20face&f=false
Et ici :
http://docs.google.com/viewer?a=v&q=cache:Zn3l918PFN0J:www.torgan.net/IMG/pdf/Dictionnaire_medieval_1_.pdf+farinet+d%C3%A9+face&hl=fr&gl=fr&pid=bl&srcid=ADGEESgmO7l9iP-jfSyPMdRXBm8vx42zV8hN3_W6tMSxDsGfyNax6Q1By0yflQ7sr86jsBayJKpkgs-vtukSvmszMUSdBQCzhA461R3EuTiU8A167n-kTGeFkyTkcKRBPOsuTZX_vsmH&sig=AHIEtbR1t-a14zSsYKO6dvKnokSZzWTMIA
Petite précision ici : « FARINET. s. m. Dé à jouer qui n'est marqué que sur une de ses faces. Jouer aux farinets. »
(http://portail.atilf.fr/cgi-bin/getobject_?p.7:86./var/artfla/dicos/ACAD_1835/IMAGE/)
Bon, j'en ai ma claque. Pour aujourd'hui. On sait que le farinet est blanc sur cinq faces et porte un chiffre mystérieux sur la sixième.
Mais comme on sait aussi qu'on dit « jouer aux farinets », et qu' « on en prend ordinairement fix » (sic), il me vient cette idée : peut-être que chacun des six dés est marqué d'un chiffre différent, de façon à ce qu'avec les six dés, on ait les six chiffres.
Bref. Il n'est pas mignon, notre élusif farinet ? Ne méritait-il pas de rester dans notre lexique ?
Je sais bien qu'il n'est pas possible de garder tous les mots. Si on le faisait, les dicos deviendraient des monstres impossibles à soulever (ou en plusieurs volumes), et très chers. Mais quand même, ça m'énerve qu'un groupe restreint de personnes (les éditeurs de dicos) décident de quels mots vont rester ou pas à portée de nos regards.
Il y a les encyclos, je sais, mais tout le monde n'a pas une encyclo sous la main. D'ailleurs, sont-elles si exhaustives que ça ? Je n'en ai pas, donc ne peux vérifier moi-même. Si ça vous tente...
Conclusion de ce trop long billet : cherchons, conservons, chérissons et surtout utilisons les vieux dicos ! Car (je le répète) les mots sont notre farine, la seule que nous ayons.
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Quelle jolie déclaration d'amour aux dictionnaires. Grâce à toi, Tonton, ce soir nous nous coucherons la gueule moins en farinets que ce matin. Euh, enfarinée !
RépondreSupprimerP.S : travaille le coup de pied chassé pour les sages de l'Académie ; est-ce qu'ils ont mis "kiffer", au fait ?
Ooooh, toi, je sens que tu vas redevenir LPT d'ici pas longtemps. :)
RépondreSupprimerOui, bon le mot a disparu, mais le dé, où est passé le dé???
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